QUENTIN ARGUILLÈRE ∣ CONSERVATION-RESTAURATION DES PEINTURES
10, rue Oberkampf 75011 Paris
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1 ⦁ 4e colloque international de l’ARAAFU, Paris 1995. Restauration, dé-restauration, re-restauration.
La coupole de Jean-Baptiste Pierre à l'église Saint-Roch à Paris. Intervention 1991.

Auteur : Quentin Arguillère.
Cyril de Ricou, Peintre-plasticien, a réalisé l'harmonisation des parties rapportées au XXe siècle.
Travaux réalisés en collaboration avec Michèle Congé, Marie-Ange Laudet et Pascale Hafner.
Mandataire des travaux : Quentin Arguillère.
Stagiaires : Laurence Blondeaux, Eglantine Curtil, Sandrine Jadot et Frédérique Orvas.
Rapport scientifique : Bernard Callède, Ingénieur au L.R.M.H., assisté de Brigitte Lioret, stagiaire M.S.T.
Maîtrise d'oeuvre : Pierre Prunet, Architecte en Chef, Inspecteur Général des Monuments Historiques, Christian Prevost-Marcilhacy, Inspecteur Général des Monuments Historiques, François Macé de Lépinay, Conservateur Général du Patrimoine, Inspecteur des Monuments Historiques de la Ville de Paris, Georges Brunel, Conservateur Général du Patrimoine, Chef du Service des Objets d'Art des Eglises de la Ville de Paris.
Maîtrise d'ouvrage : D.R.A.C. Paris-Ile de France, Service des Objets d'Art des Eglises de la Ville de Paris. (➤ Photo Q.A.)

2 ⦁ Monumental n°7, septembre 1994 : Restauration de peintures dans les églises de Paris, Saint-Roch, Chapelle de la Vierge. (EXTRAIT).
Auteur : François Macé de Lépinay, Conservateur Général du Patrimoine.

3 ⦁ Histoire des restaurations du Plafond du Salon d’Hercule au Château de Versailles in L’Apothéose d’Hercule de François Lemoine, Histoire et restauration, Editions Alain de Gourcuff, Paris, 2001. Intervention 2001.
Auteurs : Michèle Congé, David Langeois, Jean-Paul Rioux (C2RMF), Quentin Arguillère.
Mandataire des travaux: Anthony Pontabry ; Co-mandataire : Frédérique Maurier.
Maîtrise d'oeuvre : Etablissement Public du Musée et du Domaine National de Versailles, Centre de recherche et de Restauration des Musées de France.
Maîtrise d'ouvrage : Etablissement Public du Musée et du Domaine National de Versailles, avec Mécénat BNP Paribas. (➤ Photo D.R.)





1 ⦁ LA DÉ-RESTAURATION ET LA RE-RESTAURATION DE L'ASSOMPTION DE JEAN-BAPTISTE PIERRE, chapelle de la Vierge, église Saint-Roch à Paris.

Résumé

La coupole de la chapelle de la Vierge de l'église Saint-Roch à Paris, peinte à l'huile sur toiles marouflées par Jean-Baptiste PIERRE, inaugurée en 1756 et représentant l'Assomption de la Vierge, a fait l'objet au cours de son histoire de deux restaurations fondamentales. MAILLOT, en 1835, nettoie et restaure large­ment. BELHOMME, en 1931-1933, fait disparaître 40 % de la coupole, essentiellement dans sa partie infé­rieure et selon un découpage aux contours sinueux, puis remplace les parties supprimées en marouflant de nouvelles toiles et en recomposant les figures devenues manquantes. En 1991, la coupole de J.-B. Pierre présente alors une lecture d'une remarquable complexité où se mêlent plusieurs mains. Se posent ainsi plusieurs questions : ne doit-on pas considérer cette œuvre comme étant à présent composée de la somme de deux "originaux" juxtaposés ? Que faire des zones incluses par le res­taurateur du XIXe siècle et qui se sont irréversiblement assombries ? La dérestauration de la partie origi­nale de J.-B. Pierre, si elle s'impose, n'est-elle pas, à terme, porteuse d'une difficulté majeure ? Que faire en effet du flagrant contraste chromatique entre l'original de J.-B. Pierre, issu de l'important travail d'une année de dé-restauration et de re-restauration, et la partie rapportée par Belhomme ? Peut-on lais­ser apparent ce
contraste ? Faut-il harmoniser l'ensemble ? Si oui, selon quels critères ? Selon quel protocole ? À partir de quels éléments ?
Le développement de ces questions et des réponses qui y ont été apportées au cours des différentes ré­unions jalonnant l'avancée des travaux de la restauration, ainsi que la relation des mises en œuvre opé­rées, constituent l'argument central de la présente communication.


Communication

L' intervention dont il est question ici s'est déroulée en deux temps: la dé-restaura­tion et la re-restauration de la peinture origi­nale de J.-B. Pierre, puis cette opération ter­minée, la re-restauration globale de la coupole comprenant l'original du XVIIIe siècle et une large surface remplacée au XXe siècle. LES DONNÉES Inaugurée en 1756, l'Assomption, de Jean­-Baptiste Pierre (1713-1789) ornant la coupole de la chapelle de la Vierge de l'église Saint-­Roch à Paris, est une peinture à l'huile sur des lés de toile marouflée (tissage armure toile, chanvre en chaîne et en trame, adhésif cire). Selon le mémoire que Monique Halbout a consacré à l'œuvre de Jean-Baptiste Pierre, la peinture a été restaurée à plusieurs re­prises depuis sa création : Magny, en 1808 - 1810, restaure la couche picturale, Maillot père, en 1835, nettoie et retouche, et la pein­ture est “ lavée et passée à l'huile” en 1854. Mais ce sont les travaux d'Alfred Belhomme, en 1931-1933, qui vont constituer le tournant marquant de son histoire. À la suite d'une campagne d'essais concernant 20 m2 situés à l'ouest de la coupole, Belhomme décide de remplacer, l'estimant perdue, une importante partie de la peinture. Depuis le bas de la cor­niche, qui disparaît, jusqu'au découpage si­nueux délimitant son intervention, Belhomme dé maroufle les lés originaux et procède à un nouveau marouflage de toiles vierges (tissage armure toile, coton en chaîne et lin en trame, céruse). Majoritairement, dans la partie infé­rieure et jusqu'à 2 à 4 mètres, il n'y a plus de peinture originale. Plus modestement, en hauteur et selon un anneau d'infiltrations d'eau, une campagne analogue est menée. À l'issue de ces différentes opérations, la zone déposée concerne environ 40 % de la coupole globale. Belhomme a, selon toute vraisem­blance, pris des relevés graphiques avant de réaliser son opération de démarouflage. Après la pose de lés vierges et sur une préparation grège clair, il redessine, repeint et intègre les zones devenues manquantes à la peinture du XVIIIe siècle. Au cours de la même campagne et en ·amont de cette intervention, une restau­ration picturale, comprenant nettoyage et re­touche, a été effectuée sur la peinture origi­nale. Les travaux dans leur ensemble ont duré environ un an.

Plusieurs constats s'imposent : la coupole de la chapelle de la Vierge est à présent la juxta­position d'une œuvre du XVIIIe siècle et d'une toile du XXème siècle, aux contours délimités par un découpage complexe. La restauration des années trente est extrême mais a tenté, dans une logique paradoxale, de réaliser “ au mieux” une opération de “ conservation ”. En effet, seuls quelques personnages entiers (groupe des anges musiciens, partie ouest) ou têtes entières (personnages à la gauche de Josué, partie sud, anges musiciens) ont dis­paru. Belhomme a de fait établi une hiérarchie dans l'importance des éléments qu'il a jugé pouvoir et devoir conserver. La plus grande partie de la surface remplacée concerne les vo­lutes nuageuses dont la dépose vient souvent contourner au plus près les personnages (1 à 3 cm). Lorsqu'il y a dépose dans un person­nage, l'incrustation peut alors être réduite à quelques centimètres (œil droit de Melchior, tête de Mardochée, drapé d'Esther). L'hétérogénéité du contour de la dépose va de pair avec la variété de la taille des parties déposées, de plusieurs mètres à deux centimètres. Or, cette hé­térogénéité est l'une des données essentielles de l'argument du présent compte-rendu : elle a conditionné le développement général de la restauration de 1991 qui, sous peine d'emprun­ter un chemin sans issue, a dû procéder par ordre et simplifier une situation confuse. En incidence, le développement administratif des travaux s'est trouvé avoir une portée centrale sur la validité de la "restauration - dé-restaura­tion - re-restauration" de la coupole de la Vierge. Il faut y consacrer quelques lignes : ini­tialement prévue, la tranche des travaux dite "ferme" devait engager dans un premier temps la restauration sur la partie est de la coupole. La tranche dite " optionnelle" impli­quait de travailler, une fois la partie est termi­née, sur la partie ouest. L'engagement simul­tané des deux tranches a rendu possible un geste rationnel : définir deux pôles clairement identifiables, d'une part la peinture restaurée de Jean-Baptiste Pierre, d'autre part la partie rapportée par Belhomme. Cette dernière partie pouvait alors porter, en élément subsidiaire, la question ouverte de sa relation à l'ensemble.

LES ANALYSES

Un traitement de conservation de support et un dévernissage de la peinture originale ayant été réalisés quelques mois auparavant, la res­tauration picturale de la coupole de Jean-Baptiste Pierre est engagée, en février 1991, sous la maîtrise d'œuvre de Pierre Prunet, ar­chitecte en chef des Monuments historiques, et sous le contrôle scientifique d'une équipe com­prenant François Prévost-Marcilhacy, inspec­teur général des Monuments historiques, Georges Brunel, chef du service des Objets d'art des églises de la Ville de Paris, et Fran­çois Macé de Lépinay, inspecteur en chef des Monuments historiques de Paris. Les restaura­teurs sont: Marie-Ange Laudet, Pascale Haf­ner, Michèle Congé et Quentin Arguillère. Cyril de Ricou, peintre-plasticien, réalisera l'intervention d'harmonisation des parties rap­portées par Belhomme.

Le découpage analytique de la coupole, relevé par Pierre Prunet, est un élément fon­damental du dossier1. Bernard Callède, ingé­nieur du Laboratoire de recherche des Monu­ments historiques, assisté de Brigitte Lioret, stagiaire M.S.T. au L.R.M.H. et rédactrice du rapport d'analyses, ont effectué deux cam­pagnes de sondages. La coupole est à l'évi­dence un ensemble passablement confus et de nombreux repeints, liés aux restaurations an­térieures, couvrent la peinture de Jean-­Baptiste Pierre. Ces repeints, selon les ana­lyses du L.R.M.H., sont de deux natures : ceux réalisés au XIXe siècle ont pour liant une cire-résine, ceux réalisés au XXe siècle, un ver­nis gras, fondant entre 1600 et 1800. Ce vernis gras est en même temps le liant de la pein­ture dont s'est servi Belhomme pour peindre et reproduire les parties déposées, sur les toiles récentes. Les analyses font état de la présence de plomb et de zinc dans la prépara­tion des toiles récentes et des blancs utilisés par Belhomme. L'oxydation de l'ensemble liant-pigment et la probable utilisation d'un siccatif puissant n'ont pas permis une stabi­lité chromatique de cette partie. Cette zone récente s'est assombrie dans la masse et en 1991, elle présente un décalage chromatique parfois très prononcé avec la peinture de Jean-Baptiste Pierre. Il est alors décidé que la restauration pic­turale serait axée sur deux points essentiels : d’une part, la dé-restauration et la re-restauration de la peinture originale de Jean-Baptiste Pierre, d’autre part, le traitement de la question concernant la partie ajoutée au XXe siècle.

Le premier point est abordé : son développe­ment, à travers un protocole "classique", va consister en une dé-restauration des surpeints huileux en milieu solvant, en une campagne de masticage et de ragréage des lacunes, puis en une réintégration picturale. Cette partie des travaux est la plus lourde. S'appliquant aux 188 m2 de peinture originale, elle correspond environ aux 8/l0e de l'investissement horaire total de la restauration de la coupole.

À l'issue de cette première phase, la partie rapportée apparaît encore plus sombre qu'elle ne l'était en comparaison des parties origi­nales présentant des surpeints huileux. Le dessin rapporté est visible, il coïncide généra­lement avec logique à la peinture originale, mais présente parfois des incohérences cho­quantes avec cette dernière. Certains mor­ceaux déposés (dans les personnages d'Esther ou de la Vertu de la partie nord, à la gauche du groupe de la Vierge) n'ont pas été remis à leur place originelle. Au décalage chroma­tique, très important, se trouve allié un déca­lage graphique, lui-même évident.

La question est : que faire de la partie rap­portée par Belhomme ? Doit-on considérer que la coupole est constituée d'un original indiscu­table et d'une restauration qui, par son am­pleur et par le fait qu'elle s'est substituée aux parties manquantes de l'original sans le recou­vrir, pourrait être conservée ? Faut-il privilé­gier une vision archéologique de la coupole où chaque élément serait respecté tel qu'en lui-­même, toute intervention autre que stricte­ment conservatoire étant jugée irrecevable ? Faut-il considérer qu'une vision harmonique globale de la coupole s'impose ? Peut-on ad­mettre d'intervenir en ce sens, en sachant que l'intervention ne sera plus une intervention de conservation au sens propre, mais pourra ac­cessoirement déborder dans les champs de l'hypothèse ? Comment traiter les incohérences graphiques ? Dans un second temps, s'il est décidé d'harmoniser la coupole, est-il pos­sible, sur le plan technique, de réaliser l'opéra­tion dans des conditions probantes ? Si oui, quels critères doivent s'imposer au cahier des charges de l'harmonisation ? L'intervention se devant d'apporter une réponse globale à une question théorique globale, mais variée selon les cas rencontrés, n'est-il pas indispensable d'agir partout selon un protocole appliqué d'une façon identique ?

LES RÉALISATIONS

La décision d'harmoniser, selon le terme uti­lisé, a été celle retenue. La raison en a été que l'aspect esthétique d'une VIsion globale impo­sait une loi à laquelle devait se plier l'ensemble de la restauration. Mais cette opération ne pouvait être admise qu'à la condition d'un souci archéologique dominant des parties XXe siècle, son dessin, probablement repris du XVIIIe siècle, en étant la pierre angulaire. Plusieurs éléments ont plaidé en faveur de la possibilité d'une harmonisation : en tout en­droit de la coupole, au bord de la partie rem­placée, il était possible de trouver les points de repères de la tonalité de la peinture originale, la coupure étant franche. Celle-ci, en cas d'harmonisation, resterait la référence tangible et accessible de l'opération. Cette référence per­mettrait, sur les grandes parties remplacées, de rétablir les passages colorés d'une manière archéologiquement valide, en se fiant aux échantillons de bordure. Le territoire de l'hypo­thèse serait limité, jusqu'à la balustrade, tota­lement remplacée, par la présence d'un échan­tillon de peinture originale sous la vertu "l'Abondance", au nord-est. Les incrustations XXe siècle les plus petites seraient réintégrées comme des lacunes "classiques" de peinture originale. En cas de disharmonie graphique, la peinture originale vaudrait référence et impo­serait qu'un dessin, recouvrant les parties rem­placées, vienne rétablir une cohérence de lec­ture. Enfin, l'harmonisation interviendrait après la restauration des parties originales de Pierre. Il était implicitement entendu que la stabilité et la réversibilité devraient être les données techniques fondamentales de l'opération. Une réintégration lisible en cohérence pic­turale avec les usures et les transparences accrues de la peinture originale serait nécessaire.

La réflexion qui a gouverné l'élaboration du protocole d'harmonisation a été la suivante : il est possible, et usuel, partant d'un fond froid et clair, de faire évoluer un rendu coloré vers un ton plus chaud et plus sombre que le fond sous-­jacent, tout en conservant une transparence de matière. Tout peintre ou tout restaurateur connaît l'importance du ton d'une préparation ou d'un fond. Ce ton, s'il n'est laissé nu, joue un rôle optique essentiel, à plus forte raison dans le cas de la présence d'usures de la matière picturale ou de transpa­rences accrues. Il est par contre impossible de "remonter" un fond sombre et chaud vers un ton froid et clair sans faire rentrer dans la ou les strates couvrantes une matière opaque. Le fond peut par ailleurs continuer à exercer une influence optique sur le rendu coloré final. L'opacité nécessaire et ainsi créée peut d'autre part faire perdre un éventuel dessin sous-ja­cent. Concernant la coupole de Jean-Baptiste Pierre, les constats sont les suivants : la partie originale du XVIIIe siècle est plus claire et plus froide que la partie rapportée au XXe siècle. Par évidence, la partie du XXe siècle, impossible à éclaircir par un nettoyage, car ayant viré dans la masse, est plus sombre et plus chaude que son " modèle". Elle présente de surcroît un dessin qu'il faudra conserver dans sa plus grande partie. La contrainte est donc de ré­ajuster chromatiquement la partie XXe siècle à l'original de manière minimale.

Le premier essai, non satisfaisant, a posé le cadre du protocole d'harmonisation. Il repo­sait dans son principe sur trois temps d'opéra­tion 2 : avant les trois temps, isolation par un passage d'Hydro-fond Lascaux 750.

- Temps 1 : blanc de titane couvrant, lié au Primai AC33, passé au spalter.
- Temps 2 : ton de la préparation tamponné à l'éponge.
- Temps 3 : ton de réintégration tamponné à l'éponge.

Ce protocole, qui avait été utilisé à propos d'une peinture quasi contemporaine2 de celle de Jean-Baptiste Pierre, moins usée bien que d'un même ton de préparation, a servi de base de réflexion aux travaux réalisés sur Belhomme. Il s'appliquait à une partie ajoutée et montrait, en terme de vibration colorée et de construc­tion d'un système optique respectant les trans­parences de matière, compte tenu des essais ef­fectués, que cette manière de procéder amenait à un résultat globalement satisfaisant.

Le premier essai à Saint-Roch, travaillant dans le même état d'esprit, a donc réalisé une harmonisation sur un fond blanc couvrant passé au spalter, après relevé du dessin de Bel- homme. Au deuxième temps, le ton de la pré­paration a été passé au spalter également. Le troisième temps a fait intervenir un travail à l'éponge pour réintégrer la partie manquante.

Dans le cas de Saint-Roch, la contrainte de conserver le dessin était alors un élément sup­plémentaire à la question posée. Cyril de Ricou, opérant sur ce canevas et se livrant à des essais, a tamponné directement dans la masse le blanc de titane en construisant un montage en valeurs des formes à transposer (Josué). Les trois étapes, indispensables dans leur succession chronologique, se trouvaient pouvoir remonter un fond sombre, sans perdre, compte tenu des réserves de matière liées à la forme d'une éponge toujours maniée perpendi­culairement à la surface, un dessin archéologi­quement fondamental. Les lumières du dessin de Belhomme ont été tamponnées d'une ma­nière plus soutenue que ses ombres, en tra­vaillant au cours d'une même séance sur une partie homogène ayant une cohérence pictu­rale. Le procédé pouvait apporter, sur une base lumineuse, une évocation du fond ocre sous-ja­cent déterminant et une vibration colorée ren­dant correctement effet des transparences de la peinture du XVIIIe siècle. (➤ Photo : parties rapportées en bleu, relevé Q.A.)

Le système construit était clairement iden­tifiable de près, plastiquement valide et satis­faisante aux yeux d'un spectateur désireux de savoir où se trouvaient les parties harmoni­sées. La stabilité chromatique étant le souci majeur de l'intervention, l'utilisation en nombre limité des pigments les plus stables de la palette a été requise. Le blanc de titane, le plus couvrant et le plus stable des blancs, a été retenu : ponctuellement opaque avec peu de matière et présentant une stabilité chimique indubitable. Le ton de la préparation, essen­tiel, tamponné d'une manière uniforme sur le montage en valeur des blancs, aurait pu dans certains cas servir de ton de réintégration à une intervention se servant d'un ton neutre unique. Les essais explorant l'ensemble des combinaisons possibles entre matière picturale pulvérisée et tamponnage à l'éponge n'ont pas été retenus.

NOTES

Découpage de la coupole relevé par Pierre Prunet, architecte en chef des Monuments historiques.
1) Restauration de parties à personnages présentant de nombreux accidents et in­crustations : 57 m2
2) Restauration de parties à personnages peu accidentés: 76 m2
3) Restauration de ciel et nuages peu res­taurés, avec joints de découpe très restau­rés: 55 m2
4) Restauration de ciel à nuages bruns sur incrustations de toile récente: 75 m2
5) Restauration d'incrustations de re­peints ayant mal vieilli: 15 m2
6) Restauration de la ceinture de faux marbre en partie basse de la coupole : 50m2.
Total original: 328 m2• Total remplacé: 140 m2

Harmonisation de la partie ajoutée au XIXe siècle (environ 1/4 de la surface totale) à l'une des peintures à l'huile du château de Condé-en-Brie (Aisne), 2,2 m x 1,35 m, réalisée sous le contrôle scientifique de Caroline Piel, inspecteur des Monuments historiques, compte rendu du 29 mai 1989.





2 ⦁ EGLISE SAINT-ROCH – PARIS 1ER - CHAPELLE DE LA VIERGE - Monumental, n°7, septembre 1994. (EXTRAIT).
Par François Macé de Lépinay, Conservateur Général du Patrimoine.

Les travaux de restauration effectués au cours des dernières années se sont déroulés en deux phases. Dans un premier temps, et sur la base d'un projet de Pierre Prunet du 29 avril 1988, il a été procédé au nettoyage général, à la consolidation de la toile sur son support et au refixage de la couche picturale. Cette tranche fut réalisée par l'atelier Arcoa d'octobre 1989 à avril 1990 et suivie d'une opération expérimentale de restauration complète portant sur 12 m2 (figures de saint Etienne et de saint André). Dans un second temps, un appel d'offres fut ouvert pour désigner un restaurateur qui serait chargé d'intervenir sur la peinture complète de la coupole (à l'exception des 12 m2 déjà traités). L'examen des offres aboutit à la désignation de l'équipe constituée autour de Quentin Arguillère. Le marché passé en octobre 1990 pré- voyait une tranche ferme (182 m2, côté est) et une tranche opérationnelle (134 m2, côté ouest). A la suite de la demande formulée par l'équipe chargée du suivi des opérations, cette dernière put être engagée très rapidement, de manière à permettre une approche globale des problèmes de réintégration. Parallèlement, des études et analyses scientifiques étaient menées à bien par le LRMH, qui devaient faciliter considérablement le diagnostic. Ainsi, les restaurateurs purent procéder dans un premier temps à la réintégration de toute la peinture originale de Jean-Baptiste Pierre, puis, dans un second temps, à l'harmoni­sation générale en fonction d'une vision d'ensemble.

Cette seconde phase de l'intervention était la plus délicate. Les parties refaites par Belhomme (toute la zone inférieure sur 2 à 3 mètres et de multiples inclusions dans le ciel et les personnages) étaient en effet extrêmement sombres et voulues telles, pour s'harmoniser avec une peinture du XVIIIe siècle alors très assombrie par la fumée des cierges. Il fut bientôt évident qu'il n'existait pas d'autre solution que de repeindre ces parties modernes en éclaircissant les tons, mais en conservant tout le dessin. Le caractère généralement sommaire de ce dernier rendait cependant l'opération difficile car les faiblesses, qui n'apparaissaient qu'à peine au milieu du magma confus et brunâtre, devenaient plus gênantes sur un fond clair. Ailleurs, certains repeints du XIXe siècle, de Maillot, ou du XXe siècle, de Belhomme ; recouvraient des morceaux authentiques de la peinture du XVIIIe siècle, sans que le dessin primitif ait toujours été suivi. En de rares endroits, ces décalages restent gênants en vue rapprochée ; mais à 20 mètres de distance, ils disparaissent et n’altèrent en rien la cohésion de l’ensemble.

Note n°18 : Quentin Arguillère était assisté de Marie-Ange Laudet, Michèle Congé, Pascale Hafner.
Stagiaire: Eglantine Curtil.
Harmonisation : Cyril de Ricou, peintre-plasticien.





3 ⦁ HISTOIRE DES RESTAURATIONS DU PLAFOND DU SALON D'HERCULE AU CHÂTEAU DE VERSAILLES
L’Apothéose d’Hercule, Histoire et restauration, Ed. Alain de Gourcuff, Paris, 2001

En collaboration avec Michèle Congé, David Langeois et Jean-Paul Rioux (C2RMF).

On ne peut restaurer une œuvre en ignorant l’existence, la nature et l’époque des interventions dont elle aurait pu être l’objet depuis sa création. Avant d’agir en connaissance de cause, il est en effet indispensable de discerner les matériaux originels, sains ou altérés, des apports ultérieurs et, si possible, de comprendre les raisons qui ont motivé ces interventions. Rechercher les événements qui ont marqué la vie d’une œuvre est aussi une démarche d’intérêt historique qui dépasse les seules exigences de la restauration.
Dans ce but, on dispose de plusieurs sources d’information. En premier lieu, les archives livrent des témoignages écrits et datés. Ces éléments chronologiques doivent ensuite être mis en rapport avec les observations de l’œuvre avant la restauration ou aux premiers stades du nettoyage. Mais, dès l’abord, L’Apothéose d’Hercule révélait de nombreuses marques d’interventions d’aspects très différents qui, réparties sur la grande surface peinte, formaient un puzzle difficile à résoudre. Pour mieux identifier et comparer les matériaux en question, des recherches complémentaires ont été nécessaires. Les stratigraphies et les compositions chimiques de plusieurs prélèvements choisis en fonction des problèmes posés et des hypothèses émises, ont donc été étudiées en laboratoire.
L’historien, le restaurateur et le chimiste ont ainsi été réunis pour mener cette enquête interdisciplinaire.

UNE APPROCHE HISTORIQUE

Le XVIIIe siècle : les restaurations de Marie Godefroid et du Sieur Colins

La nécessité d'une première intervention salvatrice visant à remaroufler certaines zones, certes minimes, du plafond du Salon d'Hercule se fait jour dès 1749. Treize ans après la présentation officielle du chef-d'œuvre absolu de Lemoyne au Roi, ordre est donné par Lenormant de Tournehem, directeur et ordonnateur général des Bâtiments, d'intervenir en deux points précis de l'œuvre. Le premier est localisé au nord, "du côté de la chapelle", le second, à l'est, du côté de la grille, qui ferme alors la cour dite de la chapelle; la surface totale d'intervention, extrêmement réduite, n'atteint que 7 m2 environ.
Sept jours seulement suffiront à la veuve Godefroid et au sieur Colins, habituellement chargés de l'entretien et de la restauration des tableaux de la Couronne, pour s'exécuter sous la conduite de Lecuyer, contrôleur des Bâtiments du Roi au château de Versailles.
La veuve Godefroid intervient la première, remarouflant avec deux aides les parties de lés détachées. "J'ai passé quatre journées pour conduire et dicter ce qui convenait à pareil ouvrage, j'ai rempli tous les joints des coutures séparées à raisons de 24 l par journée fixée par M. le directeur général pour Versailles", précise-t-elle dans son mémoire, ajoutant plus loin: "M. Colins est revenu peindre tous les joints que j'avais remplis.
Après cette première restauration, qui n'a coûté que 266 livres à la Surintendance, sans compter l'échafaudage nécessaire à son bon déroulement, ni Marie Godefroid, ni Colins qui ont pu examiner la toile de très près ne se doutent encore qu'ils seront rappelés moins de six ans plus tard…
En 1755, de nouveaux décollements sont en effet visibles en huit endroits différents, localisés dans les parties nord et est du plafond. La même équipe intervient au mois d'octobre, sur ordre du marquis de Marigny. Le rapport que remettra la veuve Godefroid au bureau de la Surintendance, le 14 avril 1759, beaucoup plus détaillé que le précédent, décrira précisément les 170 pieds de surfaces traitées (18 m2) en six jours d'intervention. Du mercredi 1er au 7 octobre 1755, sont ainsi successivement restaurées une première zone depuis "Mercure jusqu'à la déesse conduite par un flambeau"; une seconde "au-dessus du Mercure où il y a une déesse tenant des fleurs du côté de la colonne blanche"; une troisième représentant "une figure se tenant sur le point et la partie de l'aigle"; une quatrième "à côté de la colonne représentant des enfants"; une cinquième "au-dessus de la Victoire pour aller à Mars"; une sixième occupée par "le Temps et les Déesses des fleurs jusqu'à la balustrade où sont les enfants du bas-relief"; une septième "au-dessus du Triton et Neptune, côté de la chapelle, à une figure de bas-relief et la nuée brune"; enfin une huitième avec "le char de la déesse de la Terre conduit par des lions.
Six jours pour conduire et dicter les ouvrages de remarouflage, remplir tous les joints puis passer le relais au sieur Colins chargé des repeints, le tout au tarif arrêté de 24 sous par pied carré, incluant fournitures et présence de deux aides pour le bon déroulement des travaux. Ces deux actions furent les seules menées pendant la période de l'Ancien Régime. A chaque fois, elles le furent promptement. L'importance du lieu, passage obligé et quotidien du souverain permettant l'accès à la tribune de la chapelle, ne pouvait en effet tolérer aucune attente. Il en ira tout autrement après les événements de 1789. Le transfert de la vie politique de Versailles à Paris allait en effet considérablement réduire les mesures d'entretien de cet énorme château qui, soumis aux fortes variations de température, aux infiltrations des eaux, et aux insurmontables problèmes de chauffage, cédera peu à peu du terrain aux facteurs d'altération.

1794 : La visite du domaine de Versailles par les citoyens Fragonard, Dardel et Picault

Le 5 frimaire de l'an III (25 novembre 1794), un rapport est remis à la Commission temporaire des arts, rédigé par les citoyens Fragonard, Dardel et Picault, commissaires chargés de dresser un bilan complet des restaurations qu'il serait nécessaire de mener pour la bonne conservation des œuvres tant mobilières qu'immobilières des châteaux, jardins et Trianons compris. Leur constat même succinct, effectué du 28 brumaire au 1er frimaire de l'an III (18 au 21 novembre 1794) ne laisse guère de doute quant à l'aspect alarmant des plafonds qui, cinq ans après le départ de la famille royale, sont "dans un très grand état de dégradation et demandent de prompts secours". Un accent tout particulier est mis sur celui du salon d'Hercule. "Le plafond de Le Moine est un de ceux qui doit fixer votre attention, ce monument qui honore l'Ecole Française, est peint sur toile et marouflé sur plâtre, plusieurs parties se détachent et forment un poids qui s'augmentant chaque jour tombera tout d'un coup". Mais les documents d'archives ne font état d'aucune restauration en 1794-1795. Et un constat général du château effectué en 1807 confirmera encore à cette date le rapport des commissaires de la Convention. Finalement, ce n’est qu’au début de la Première Restauration que sera dûment consignée une intervention effective, confiée à un restaurateur de tableaux nommé Belot.

1814 : L’intervention du sieur Belot

Le 29 juin 1814, les architectes Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853) et Alexandre Dufour (1760-1835) sont reçus par le comte de Blacas, intendant des Bâtiments du Roi, qui leur apprend la volonté du Souverain d'accorder un crédit exceptionnel de six millions de francs afin de mettre à exécution et le plus promptement possible, leurs plans et nombreux projets prévus pour la restauration du château de Versailles. Les travaux commencent dès le 2 juillet. Le 23, le comte de Blacas se rend en personne sur les lieux afin de juger lui-même de l'état d'avancement des travaux, visite au cours de laquelle "les peintures qui décorent les plafonds ont semblé fixer plus particulièrement son attention". C'est sous les ordres directs des architectes Fontaine et Dufour que le sieur Belot « nettoie, broquette et mastique » l'œuvre de Lemoyne. Il réclame pour ces opérations, dont l’énoncé montre qu’il dut remédier à son tour à des pertes d’adhérence, une somme de 1200 francs, ramenée finalement à 1000 francs au moment du paiement effectif. Lorsque le Roi découvre le chantier, le 10 août 1814, il paraît fort satisfait de l'état des dorures et des peintures qui décorent les plafonds.

1821 : le rapport du comte de Forbin

Le 28 juillet 1821, le comte de Forbin (1777-1841), directeur des musées royaux, informe le ministre secrétaire d’Etat de la Maison du Roi de la nécessité d’entreprendre à nouveau des réparations d’urgence, indispensables à la sauvegarde des peintures ornant les plafonds du château. Si la réaction du ministre, en possession d’un second rapport contradictoire, vise tout d’abord à envoyer le comte sur place pour vérification, il ne tarde pas à partager son avis, et informe, le 12 octobre 1821, M. Lauzan, conservateur des tableaux des palais de Versailles et de Trianon, de sa volonté de parer aux plus urgent concernant les restaurations à faire. « On reportera le reste au printemps » peut encore lire le conservateur dans cette même lettre qui constitue malheureusement le seul témoignage d’archives retrouvé concernant cette période.

1878 : le constat alarmant du comte Clément de Ris

Près d’un demi-siècle plus tard, un rapport en date du 26 mai 1878 rédigé par le comte Clément de Ris, conservateur du château de Versailles, et adressé à Marie-Frédéric Reiset, directeur général des musées nationaux, stipule que le plafond de Lemoyne n'a jamais été nettoyé ou restauré. Clément de Ris n'est donc au courant, en 1878, ni des interventions du XVIIIe siècle, ni de celle de la période de la Restauration évoquée ci-dessus. Cinq jours avant ce rapport, MM. Briotet et Chapuis, respectivement restaurateur et rentoileur du musée du Louvre, s'étaient livrés, en sa présence, à un relevé des altérations du plafond, opération rendue possible grâce à la mise en place d'un échafaudage roulant dressé sous la direction de Charles-Auguste Questel (1807-1888), architecte du palais.

Leur constat constitue l'ossature du rapport de Clément de Ris: "[le plafond est] couvert d'écailles, de gerçures, de boursouflures, de chancis. Dans plusieurs endroits, la colle qui fixait la toile à la voûte s'est séchée, la toile manquant d'adhérence s'est détachée par son propre poids et forme des poches dont la pesanteur doit entraîner le détachement des autres parties de la toile encore adhérentes". Le conservateur, particulièrement alarmé, n'aura dès lors de cesse de réclamer d'urgence une intervention générale sur le plafond, seul remède susceptible à ses yeux de sauver l'oeuvre. La restauration proposée repose sur les opérations suivantes: un démarouflage, le nettoyage de l'envers des bandes, le rentoilage, et le remarouflage sur la voûte; puis l'intervention sur la peinture proprement dite: nettoyage, restauration des parties enlevées ou détériorées, et vernissage. Le coût de l'opération évalué à 55000 francs dépasse, et de loin, les possibilités des musées nationaux.

1881-1885 : La restauration de Charles Maillot

Au mois de janvier 1881, après plus de deux ans et demi d’âpres discussions et de renvois entre les différentes administrations concernées, le problème principal étant financier, un projet de loi portant ouverture d’un crédit extraordinaire de 205000 francs sur l’exercice de 1881 est enfin accordé à monsieur Jules Ferry, président du Conseil, et ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Le but spécifique de ce crédit est de pourvoir simultanément aux frais de restauration des peintures du Primatice et du Rosso au château de Fontainebleau et du plafond de Lemoyne à Versailles. S’il est toujours prévu à ce moment-là de confier les travaux à MM. Briotet et Chapuis, un incident survenu au château de Fontainebleau va radicalement bouleverser l’ordre des choses. Le 13 juin 1881, le ministre de l’Instruction Publique communique à M. Jules Ferry les conclusions d’un rapport alarmant que vient de lui transmettre M. Boitte, architecte de Fontainebleau. Ce dernier lui a en effet rapporté qu’un premier essai de restauration mené l’année précédente par M. Briotet n’avait pas donné un résultat satisfaisant, exprimant même la crainte que si le nouveau travail projeté n’était pas confié à un praticien habile, ces belles fresques ne disparaissent complètement. La prise de conscience d’un tel risque est immédiate. Le 22 juin 1881, M. Jules Ferry, en parfait accord avec son ministre de l’Instruction publique décide la création d’une commission spéciale composée d’hommes compétents en matière de restauration de peintures. Instituée par un arrêté en date du 20 juillet, elle compte notamment parmi ses membres : Charles Garnier, inspecteur général des Bâtiments civils, Lenepveu, architecte, membre de l’Institut, et MM. Boitte, Charles Maillot, Galland, Brune, ainsi que le vicomte Both de Tauzia. Sa mission principale consiste à établir des examens rapprochés des peintures avant toute intervention, puis d’apprécier la nature des travaux à exécuter ainsi que les moyens à mettre en œuvre.

Le constat du plafond de Lemoyne que rédige, en 1881, cette commission, après avoir examiné de près la peinture à deux endroits différents, est en opposition complète avec les propos alarmants de Clément de Ris du 26 mai 1878. Selon elle, bien que la toile se soit détachée dans certaines parties, la conservation de l’œuvre capitale de Lemoyne, « dont les dégradations plus apparentes que réelles ne menacent heureusement pas l’existence d’une page qui honore l’école française ». La proposition de traitement pictural préconisée est la suivante: nettoyage, masticage et restauration des têtes de clou et des coupures en croix, restauration "au pointillé" du groupe de Bacchus et de Diane. En ce qui concerne la reprise des pertes d'adhérence, les lés de toile détachés seront refixés sur place sans être enlevés ni rentoilés. En parallèle, "le plafond sera sondé dans toutes ses parties, celles non adhérentes au plâtre étant reconnues et bien déterminées, le lé de toile sera arrêté à l’endroit encore solide par une règle de bois capitonnée et soutenue par un chevalet faisant pression sur le plafond"; puis « on laissera pendre la toile détachée, qui après son nettoyage, sera imprimée avec l’enduit primitif à l’ocre rouge ou à la céruse, on la marouflera et de distance en distance, on la maintiendra avec des règles minces et souples qui l’obligeront à garder la forme du plafond jusqu’à ce que l’enduit soit suffisamment pris » ; enfin « si des sections sont nécessaires, on les fera aussi peu nombreuses que possible et au côté des têtes et des mains, les clous employés seront galvanisés ».

La restauration de l’œuvre de Lemoyne va durer de 1881 à 1885, menée par le peintre Charles Maillot, en collaboration étroite avec une sous-commission permanente chargée de surveiller au quotidien le bon déroulement des opérations. Il n’existe malheureusement pas de rapport détaillé de ce qui a précisément été réalisé: toutes les archives du Service d'architecture du domaine de Versailles (S.A.D.V.), qui devaient selon toute vraisemblance contenir le mémoire de Charles Maillot, ont disparu pour la période allant de 1882 à 1886 inclus.

Le 25 octobre 1885, M. Kaempfen, nouveau directeur des Beaux-Arts, annonce au sous-secrétaire d’Etat de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, la fin des travaux. Ceux-ci se sont déroulés, selon la Commission, « dans les conditions les plus satisfaisantes ». Sur les 205000 francs alloués en 1881 pour les restaurations simultanées des fresques du Rosso et du Primatice à Fontainebleau et de la peinture de Lemoyne à Versailles, seulement 96200 francs auront été nécessaires au bon déroulement de ces deux opérations.

1954-1957 : la restauration de Pierre Paulet

La période s’étalant de 1885 à 1954 n’a, très probablement, pas connu de restauration du plafond du Salon d’Hercule. En effet, Pierre de Nolhac, conservateur de 1887 à 1920, n’en fait aucune mention dans ses mémoires détaillés et dès 1935, les constats font part de la nécessité d’une restauration picturale. En ce qui concerne l’extrados, en 1928, la donation Rockefeller permet enfin d’entamer des travaux longtemps préconisés : le remplacement de l’ardoise par du plomb au niveau de la toiture. La pente du toit est également augmentée.

La dernière restauration de l'œuvre de Lemoyne a lieu de 1954 à 1957 sous la direction de Pierre Paulet, restaurateur agréé des musées nationaux. Elle constitue l’aboutissement d’une vaste campagne dont la réflexion avait surtout débutée pendant la Première Guerre mondiale au cours de laquelle Pierre de Nolhac et André Pératé, conservateurs du château, n’avaient eu de cesse d’alerter les commissions sur les conditions dramatiques de conservation des œuvres dont ils avaient la charge. En 1935, l’un de leurs successeurs, Gaston Brière, décrira le plafond de Lemoyne couvert, par grandes plaques, de chancis, précisant qu’il n’a pas été nettoyé depuis 1878. Mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là du plafond le mieux conservé du château. Il n'en va pas de même pour ceux des Grands Appartements. En 1936, on n’hésite pas à parler « d’un état de délabrement des œuvres d’art du musée », et le 6 mars 1942 enregistre la chute du plafond de Noël Coypel dans la salle des Gardes de la Reine. Ce désastre sera le catalyseur d’une vaste campagne de restauration. Le 5 mai 1942, M. Mauricheau-Beaupré, conservateur en chef du château, accompagné de MM. Japy et Camelot, architectes du domaine, et de MM. Muller et Paulet, respectivement rentoileur et restaurateur des musées nationaux, procèdent, en trois séances, à un constat d’état des plafonds afin de déterminer des priorités d’action. Ces dernières concernent en premier lieu les plafonds des salons de Mercure, Mars, et Apollon, puis ceux des salons de la Paix, de la Guerre, et de la Grande Galerie. Quant au salon d’Hercule, on prévoit de le traiter en dernier. Son état général paraît en effet satisfaisant, et le constat de 1942 ne préconise pour ce dernier qu’une restauration picturale : « un nettoyage superficiel et l’enlèvement des repeints sur les coutures de la toile rendraient à la composition sa fraîcheur et son harmonie générale ». Aucun problème d'adhérence n'est signalé.Cette vaste campagne de restauration des plafonds du château, entamée par Pierre Paulet dès 1943, s’achève donc, de 1954 à 1957, avec celle de l’œuvre de Lemoyne. La photographie est abondamment employée durant cette dernière période: « des photos seront prises du sol avant les travaux, les photos de détail des parties dégradées seront prises sur l’échafaudage et photo d’ensemble après les travaux pour établir la comparaison avant et après la restauration ». Ces travaux durent donc pratiquement trois ans avec un crédit ouvert le 6 avril 1955 et qui sera arrêté le 5 décembre 1957. La restauration est menée au moyen d’un échafaudage tubulaire que l'on déplace par quart afin de ne pas interrompre la circulation du public en direction du Grand Appartement. Il n’existe pas de rapport détaillé de cette restauration menée par Pierre Paulet. Seul un descriptif sommaire des travaux projetés apparaît dans un rapport non signé et non daté conservé dans les archives du service d’architecture du domaine de Versailles (S.A.D.V.). Il y est précisé les opérations suivantes : nettoyages préliminaires successifs et explorations des peintures pour retrouver les coloris primitifs ; relevés des calques des parties à restaurer ; masticage au « gros blanc » des joints de toile dégradés ; peinture pour apprêts des fonds ; restauration générale du décor peint compris matage après séchage.

Sur un crédit ouvert le 6 avril 1955 de 3920000 francs concernant le seul chapitre de la peinture décorative, le solde de celui-ci atteint en 1958 la somme totale après révision de 6081917 francs. Une différence qui s'explique notamment par la nécessité ultime d'une harmonisation au centre du plafond.

LES INVESTIGATIONS DU RESTAURATEUR ET DU SCIENTIFIQUE

Lorsqu’en avril 1999 commence l’opération de nettoyage, toutes les informations disponibles sur l’histoire des restaurations ont ainsi été rassemblées : cinq interventions attestées réparties sur deux siècles, le nom de leurs auteurs, une description des travaux parfois sommaire mais toujours présente. Pourtant, au cours du dégagement des vernis et des divers repeints, les observations in situ cadrent mal avec la chronologie établie. Le grand nombre d’incisions d’époques apparemment distinctes, la présence de corrosions auxquelles, à aucun moment, il n’est fait allusion dans les archives, et surtout l’écart anormal entre les lés, suggèrent que les événements durent se dérouler de manière quelque peu différente. Une question s’impose en particulier. Ce plafond dont les problèmes d’adhérence se manifestèrent très tôt, au point de mettre en danger son intégrité, semble stabilisé. Aurait-on, au delà des faits rapportés par les documents, pratiqué une opération de grande ampleur, seule susceptible de parer à ces pertes d’adhérence récurrentes ? Si, à un certain moment, on a eu recours à une dépose suivie d’un remarouflage de l’ensemble de la peinture, la découverte d’un enduit inhérent à cette opération, jusque là inconnue, en apporterait le témoignage.

LA MISE EN EVIDENCE D’UN TRAITEMENT FONDAMENTAL

La recherche de cet élément s’avéra difficile. En effet, il n’était possible d’accéder aux couches sous-jacentes à la toile que presque exclusivement au niveau des incisions et des raccords de lés. Ces ouvertures se trouvant comblées par un grand nombre d’enduits de nature et de couleur différentes, il n’était guère aisé d’y déceler un éventuel enduit de remarouflage. Une découverte se montra cependant décisive. Dans de petites lacunes de toile apparut, après dégagement d’un mastic superficiel, un enduit blanc portant des traces d’outil nettement imprimées. Dans ces lacunes, le léger relief des traces d’outil n’était pas écrasé : les lés de toile se trouvaient donc déjà troués au moment de leur apposition sur l’enduit blanc. Ce dernier ne pouvait par conséquent remonter à la création de l’œuvre. La poursuite de l’étude révéla que cet enduit reposait sur un enduit gris clair d’épaisseur beaucoup plus faible. Celui-ci avait-il été placé dès l’origine ou constituait-il, accompagné de la couche blanche, le matériau attestant une reprise de marouflage ? Les observations, étendues à l’ensemble du plafond, permirent de constater que le double enduit gris et blanc s’intercalait entre deux couches ocre-rouge, l’une directement au contact du plâtre, l’autre au dos de la toile. Les analyses en laboratoire montrent que les couches ocre-rouge sont de nature identique et correspondent à la composition de la maroufle citée dans les textes. Il est ainsi mis en évidence que la maroufle d’origine a été dédoublée lors d’une dépose, une partie restant accrochée sur la voûte, l’autre au revers des bandes de toile. Il a été ensuite procédé à l’application du double enduit afin de remettre en place l’œuvre de Lemoyne.

Ce remarouflage concerne, selon toute vraisemblance, la totalité de la surface : la stratigraphie (plâtre – maroufle d’origine – enduit gris – enduit blanc – maroufle d’origine – toile) se retrouvant sur tous les points accessibles et dans les carottages effectués au centre des lés, loin de tout accident ou incision (ill1). L’hypothèse d’un remarouflage concernant l’intégralité de l’œuvre paraît également étayée par la présence de traces d’arrachage nombreuses. Elles montrent que l’intervention ne s’est pas limitée aux seules zones fragiles mais que certains secteurs qui possédaient une adhérence encore forte ont aussi été déposés puis recollés (ill2).

LA DATE DE SA REALISATION

Dans le constat avant intervention de 1881, les membres de la Commission observent, par vision rapprochée à l’aide d’un échafaudage, que « le plafond a été peint sur des bandes de toile jointes et fixées sur le plâtre, avant son exécution, par un enduit qui paraît composé d’ocre rouge à l’huile et peut-être de cire ». Il en ressort que les enduits gris et blanc de remarouflage n’ont pas encore, à cette date, été posés. La campagne de 1954 à 1957 qui n’a pas été confrontée à de notables pertes d’adhérence, étant à éliminer, la seule intervention postérieure au constat de 1881, et donc susceptible d’avoir donné cours à cette opération, est celle dirigée par Charles Maillot, de 1881 à 1885. La Commission, dans son rapport préliminaire, préconise de se limiter au remarouflage des seuls lés détachés. Mais, au moment du travail effectif, les événements durent suivre une orientation différente puisque le plafond porte le témoignage d’une reprise généralisée. Le sondage envisagé lors du constat ayant sans doute révélé des décollements plus importants que prévu, le traitement se modifia considérablement. Le projet des remarouflages localisés fut abandonné et Charles Maillot étendit son action à l’ensemble des bandes de toile : chacune d’elles fut déposée puis remarouflée sur la voûte à l’aide du double enduit précédemment identifié. Cette intervention globale a ainsi octroyé à l’œuvre une solidité qu’elle semble n’avoir jamais réellement connue auparavant. Elle perdure de nos jours.

UNE CAMPAGNE DE RESTAURATION SUPPLEMENTAIRE

La présence de nombreuses corrosions de la couche picturale, découvertes au cours du nettoyage, sous forme de bandes de largeur variable (2 à 6 cm environ) ou de « pastilles » ponctuelles, surprend. Ces altérations, vraisemblablement provoquées par l’usage d’un produit corrosif (soude ?), ne correspondent à aucune dégradation répertoriée. S’agit-il de dommages causés par Pierre Paulet afin d’éliminer les repeints consécutifs au remarouflage de 1881-85 ? Les photographies prises par ce restaurateur en 1955 permettent d’écarter cette éventualité. Elles montrent, en effet, l’existence de zones corrodées sur des surfaces non encore nettoyées.La manière dont se répartissent les corrosions laisse entrevoir une autre hypothèse. Leur situation, le long du tracé exact des raccords de lés et de multiples incisions, ainsi qu’à l’emplacement des clous, semble indiquer la volonté de dégager tous les éléments (collages, mastics, repeints) pouvant entraver un arrachage éventuel des bandes de toile. Un tel dessein ferait ainsi remonter l’emploi de la substance corrosive à l’époque du démarouflage effectué par Charles Maillot. En utilisant un tel produit, ce restaurateur désirait vraisemblablement libérer tous les points d’ancrage afin de procéder plus facilement à la dépose ; son but n’était pas d’accomplir un nettoyage parfait en enlevant toutes les retouches anciennes. Ainsi, les clichés pris soixante-dix ans plus tard, au cours du nettoyage de la campagne de 1955, apportent à nouveau une aide précieuse. On y remarque les résidus d’un nombre considérable de repeints anciens (visiblement plus profonds et antérieurs à ceux qu’effectuera Charles Maillot) débordant du contour des corrosions. Ces nombreux restes de repeints, laissés dans la mesure où ils ne gênaient pas l’arrachage des toiles, représentent un indice intéressant (ill 3). Ils témoignent qu’une importante intervention a été menée avant 1881. Est-elle identifiable à l’une des campagnes archivées ?

Si l’on excepte les remarouflages ponctuels du XVIIIème siècle dont la localisation est déterminée, l’unique restauration répertoriée avant les années 1880 est celle du Sieur Belot en 1814. Son mémoire précise qu’il a « nettoyé, broquetté, mastiqué » pour un montant de 1200 francs ramené à 1000 francs. En comparant la somme qui lui sera effectivement allouée avec d’autres travaux dont le coût et la durée sont connus, sa présence est estimée à un ou deux mois. Ce temps ne semble pas lui permettre, même secondé, d’accomplir une tâche de grande ampleur. Il est alors probable qu’il effectue seulement un nettoyage superficiel et débarasse le plafond de ses chancis, remédie aux décollements par une série d’incisions sous lesquelles est introduit un adhésif, puis renforce celles-ci, ainsi que toutes les parties présentant une adhérence déficiente, par la pose de broquettes. Son apport se conclut par le masticage et sans doute la retouche de l’ensemble de son intervention. Bien que cette ultime étape ne soit pas explicitement mentionnée, on n’imagine guère qu’une œuvre aussi décisive pour le cérémonial royal ait été laissée, mastics apparents, sans aucune réintégration picturale (et ce, si on s’en tient aux données historiques, durant plus de soixante ans…). Il faut plutôt considérer que Belot omet de signaler cette opération. L’étendue de son travail reste cependant limitée. Sa mission consistait sans doute à parer au plus pressé afin d’offrir au roi une vision convenable de la peinture et il paraît fondé d’avancer que ni la grande quantité de repeints partiellement enlevés par Charles Maillot, presque sept décennies plus tard, ni la totalité des très nombreuses incisions et des clouages visibles actuellement, ne purent s’effectuer dans le délai dont disposa Belot.

En découle alors une contradiction que seule l’hypothèse d’une campagne de restauration supplémentaire, non répertoriée, pourrait lever.

Faut-il situer cette intervention dans la continuité du constat du Comte de Forbin, en 1821 ? N’aurait-on pas, comme cela s’est déjà produit en 1814 et dans les années 1940-50, commissionné la restauration du Salon d’Hercule dans les mêmes temps que celle de la Galerie des Glaces ? De 1824 à 1828, une série de travaux, essentiellement menée par François Toussaint Hacquin, rétablit l’adhérence de plusieurs tableaux de Le Brun. Lui-même, ou l’un de ses confrères, serait-il également intervenu, autour de cette période, sur la peinture de Lemoyne ? Doit-on placer cette intervention plus tardivement, par exemple sous le Second Empire, où à ce jour, certaines archives n’ont pas encore été dépouillées.

UNE AUTRE CAMPAGNE

Enfin, l’existence de coupures en croix, exemptes de corrosion, présente un intérêt particulier. L’absence de cette altération suppose que Charles Maillot ne rencontre à ces endroits, ni mastics ni repeints. Cette proposition est corroborée par le constat de 1881, la Commission ayant sans doute perçu ces coupures (à la différence des autres éléments issus de précédentes interventions) car aucune restauration ne les dissimulait : « les parties refixées … laissent voir désagréablement de nombreuses traces de coupures en croix faites sur d’anciennes boursouflures dans le but d’introduire un fixatif en dessous » (ill4). Belot, pour les motifs énoncés plus haut, paraissant avoir réintégré l’ensemble de son travail, ne nous semble pas responsable de ces incisions. De même, est-il plausible d’imaginer que si ces coupures ont été exécutées au cours de l’intervention supplémentaire non documentée, où l’on a selon nous, pratiqué abondamment la retouche, de telles entailles, dont il est dit qu’elles sont « désagréables », auraient été laissées apparentes ? Le constat poursuit : «La toile a été arrêtée sur ses bords par un grand nombre de clous que la rouille a rendu très visibles ». S’agit-il de clous mis en place lors de cette même intervention ? Les restaurateurs auraient-ils alors mastiqué et retouché certains clous, comme en témoigne la présence de corrosions à leurs emplacements et non la totalité ? Aucune interprétation ne paraissant satisfaisante, faut-il envisager une deuxième intervention non documentée ?

Sans doute relativement brève, elle se serait uniquement consacrée à l’amélioration de l’état d’adhérence (résorption des décollements par l’introduction d’adhésif sous les coupures en croix, clouage des lés détachés (ill5 et ill6) et peut-être injections) sans aucune réintégration picturale, dans l’attente de l’opération fondamentale de 1881-85.

LES CAUSES POSSIBLES DE CETTE HISTOIRE MOUVEMENTEE

L’humidité constitue l’un des facteurs d’altération les plus redoutables pour une toile marouflée. La toiture du Salon d’Hercule, pendant deux siècles, présentait une étanchéité insuffisante et une pente trop faible pour un écoulement correct des eaux de pluie. Ces composantes architecturales ont contribué à l’apparition des pertes d’adhérence et à la fragilisation générale de l’œuvre. Cependant, à aucun moment, l’humidité ne semble avoir détérioré le plâtre de manière comparable à celui de la Galerie des Glaces ou à celui de la Salle des Gardes de la Reine, lorsque, le 6 mars 1942, à la suite de la chute du plafond de Noël Coypel, on découvre que « d’après les observations du conservateur, ce sont justement les morceaux de plâtre qui semblent avoir précipité la toile ». C’est à la suite du remarouflage effectué par Charles Maillot, et avant même l’exécution des travaux sur l’extrados et sur la toiture, que les désordres se stabilisent. Son intervention apparaît, par conséquent, comme l’événement décisif pour l’obtention d’un état d’adhérence satisfaisant. Tous les traitements ponctuels menés auparavant ne purent venir à bout de ces décollements : ils n’en supprimaient pas la cause. La faiblesse de l’enduit d’origine semble en effet grandement responsable de cette longue succession de dommages mais il faut garder en mémoire que le marouflage de L’Apothéose d’Hercule, opération qui pour l’une des premières fois se déroulait sur une surface d’une telle ampleur, représentait un véritable défi technique. Sa mise en œuvre influa de manière déterminante sur l’avenir de la peinture de François Lemoyne. L’histoire de cette œuvre exceptionnelle témoigne ainsi de la complexité des facteurs, internes et externes, intervenant dans un processus de dégradation. Elle illustre également la nécessité de disposer d’archives de restauration si utiles à une meilleure connaissance de l’œuvre originale, à toutes les étapes de son élaboration.

NOTES

[i] Originaire de Belgique, Marie Godefroid († 1775) était peintre à Paris. Elle avait commencé très tôt à s'exercer au métier de restaurateur de tableaux au côté de son mari, Joseph Godefroid qui avait fait ses preuves au début du XVIIIe siècle chez le Régent. Un an avant sa mort, en 1740, ce dernier avait vu sa carrière couronnée par sa nomination au poste de restaurateur en titre des tableaux de sa Majesté, en remplacement de François Stiemart. En 1740, sa femme put conserver à la fois l'atelier et le titre de "restauratrice des tableaux de la Couronne". Elle obtint même, en 1753, un atelier dans la galerie d'Apollon au palais du Louvre. Celle que l'on surnommait désormais la veuve Godefroid avait pris l'habitude de travailler avec l'aide de deux autres peintres, Colins et Guillemart, ainsi qu'avec celle de son fils, Joseph-Ferdinand Godefroid.

[ii] L'activité habituelle de François-Louis Colins, peintre membre de l'Académie de Saint-Luc, était l'entretien des tableaux de sa Majesté. Pensionnaire du Roi, il mourut en janvier 1760.

[iii] Archives nationales, O1 1922, A1.

[iv] Archives nationales, O1 1922, A1.

[v] Abel Poisson, marquis de Marigny, avait succédé à son oncle, Lenormant de Tournehem, en 1751, à la tête de la Surintendance des Bâtiments. Il devait beaucoup à sa sœur, la marquise de Pompadour.

[vi] Archives nationales, O1 1922, A1.

[vii] Archives nationales, F17 1049, dossier 3.

[viii] Archives nationales, O² 330, dossier 10.

[ix] Pierre-François-Léonard Fontaine, Journal 1799-1853, Paris, Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts, Institut Français d'Architecture, Société de l'Histoire de l'Art Français, 1987, tome I, pp. 421-422.

[x] Les broquettes sont de petits clous à large tête appelés aussi broqués ou broquarts.

[xi] Service d'Architecture du Domaine de Versailles (S.A.D.V.), 1814-1815 – 26.

[xii] Archives des Musées nationaux, V. 16, 1821 – 12 octobre.

[xiii] Athanase-Louis Torterat, par adoption comte Clément de Ris (1820-1882) dirigea, en qualité de conservateur, le château de Versailles de 1876 à 1882.

[xiv] Marie-Frédéric Reiset (1815-1891) fut directeur des musées nationaux de 1874 à 1879.

[xv] Archives des Musées nationaux, P. 16, 1878 – 26 mai.

[xvi] Archives nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881 - janvier.

[xvii] Il s’agit des fresques du Rosso et du Primatice, au château de Fontainebleau.

[xviii] Archives nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881 – 13 juin.

[xix] Archives nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881 – 22 juin.

[xx] Archives nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881.

[xxi] Dans le contexte de l'époque, la Commission avait sans doute estimé que le degré d'altération de ce groupe couvert de chancis était tel qu'il n'était pas possible de le restaurer autrement que par une intervention picturale.

[xxii] Charles-Désiré-Claude Maillot, peintre d’histoire et de genre, né à Paris, le 7 octobre 1819. Elève de Léon Cogniet, il débute au Salon de 1844, avec un Saint-Vincent martyre. Il demeure en 1881 au n° 3 de la rue du Vieux Colombier à Paris.

[xxiii] M. Kaempfen fut directeur des Beaux-Arts du 30 novembre 1882 au 26 septembre 1887.

[xxiv] Archives nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1885 – 25 octobre.

[xxv] Archives des Musées nationaux, V. 16, 1935 – 24 janvier.

[xxvi] Archives des Musées nationaux, V. 16, 1942 – 12 mai.

[xxvii] Service d’architecture du domaine de Versailles (S.A.D.V.), 1955 – 1. Toutes les photographies de plafond de Lemoyne prises entre 1954 et 1957 sont actuellement conservées dans ce service d’archives.

[xxviii] Service d’architecture du domaine de Versailles (S.A.D.V.), 1955 – 1.

[xxix] Si l'on ajoute à ces sommes les montants qui furent alloués aux travaux de charpente, à l'échafaudage tubulaire, aux imprévus ainsi qu'aux honoraires, on obtient un total de 5230100 francs qui furent accordés au moment de l'ouverture du crédit, le 6 avril 1955. L'ensemble de ces marchés furent soldés en 1958 à hauteur de 8077702 francs.

[xxx] Pour chacune des restaurations existe un constat avant traitement ou un descriptif après intervention, mais jamais les deux simultanément.

[xxxi] L’écart entre les lés varie de 0,5 à 1,5cm, à l’exception de quelques portions, très courtes, quasiment jointives.

[xxxii] Ni l’intervention conduite par Pierre Paulet dans les années 1950, ni la restauration qui s’achève ne se trouvèrent confrontées à des décollements préoccupants.

[xxxiii] Ce mastic, très cassant, fut aisément éliminé.

[xxxiv] L’étude a été effectuée au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) : Prélèvements, coupes stratigraphiques et micro-analyses par E. Laval et J.P. Rioux, analyses de liants par C. Benoît.

[xxxv] Rioux J.P., infra.

[xxxvi] L’enduit gris se compose de blanc de plomb à l’huile (céruse) coloré par quelques grains pigmentaires ; le sulfate de baryum y est représenté dans plusieurs prélèvements. L’enduit blanc est constitué essentiellement de blanc de plomb à l’huile ; divers matériaux sont présents en très faible concentration : carbonate de calcium, silice, silicates incolores, sulfate de baryum (C2RMF, 13 juillet 2000).

[xxxvii] La couche grise, très fine, a probablement servi de couche intermédiaire permettant d’obtenir une meilleure accroche du nouvel enduit sur le mur.

[xxxviii] Archives Nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881.

[xxxix] En raison du recoupement des documents, la possibilité d’une campagne de restauration entre 1885 et 1954 semble exclue.

[xl] Le mode de sondage n’est pas indiqué : il a probablement été effectué de manière visuelle et par tapotements.

[xli] Cette opération fut rendue possible par l’échafaudage occupant toute la surface du plafond, dressé au mois d’octobre 1881, par M. Leclerc, architecte du château.

[xlii] Les corrosions, résultat de l’attaque de la couche picturale le plus souvent jusqu’à la préparation, apparaissent sous forme de zones claires.

[xliii] Le résultat des analyses fournies par le C2RMF relève la présence inhabituelle de chlorure de sodium dans deux prélèvements, sans cependant pouvoir conclure quant à la nature du produit employé.

[xliv] Au vu de la durée de l’entreprise, Belot n’a sans doute profité que d’un échafaudage mobile dont la surface restreinte diminue le nombre potentiel d’assistants.

[xlv] Ces blanchiments réapparaissaient régulièrement sur les œuvres du château en raison des grandes variations hygrométriques.

[xlvi] Ses mémoires relatifs à la restauration de tableaux exposés dans les Grands Appartements indiquent uniquement des actes de nettoyage et de masticage, à la différence de ceux de ses confrères, où la retouche est évoquée.

[xlvii] Il s’agit de la série 05, 1436 à 1673 libellée Palais Nationaux : Appointements du Personnel, Devis d’entretien, Réparations, conservée aux Archives Nationales.

[xlviii] Ainsi, elle déclare : « La peinture qui a subi l’inévitable action du temps, est exempte de restauration, sauf quelques repeints sans importance ». Elle ne remarque pas, entre autres, les nombreuses incisions (forcément antérieures à son constat) et les repeints qui les recouvrent, ni les joints mastiqués et retouchés lors des interventions de la Veuve Godefroid.

[xlix] Archives Nationales, F21 4434, dossier restaurations, 1881.

[l] D. Langeois « Le Triomphe d’Hercule » de Lemoyne, Monographie de l’école du Louvre, 1996-97, p.47.

[li] Après Charles Maillot, les constats ne mentionnent plus de pertes d’adhérence.

[lii] Rioux J.P., infra.